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Les filles sages vont au paradis, les autres où elles veulent

27 janvier 2017

Les instants

enfant

Une jeune fille fait réviser à son papa un cours de français. Un examen d’embauche et un foie disponible pour une greffe qui se déroule ce matin…cette journée serait-elle positive ? Ne rien observer pendant deux jours, l’esprit obscurci par l’injustice. Un homme dit à son pote : "moi, je veux bien faire du polo, mais à dos de shetland". Les parents se mouchent dans l’ascenseur, juste avant d’arriver à l’étage où ils récupéreront leur enfant, car ils savent qu’après, ils n’auront plus les mains libres, quand bien même ils voudraient se gratter l’oreille. Le métro répète son prénom plusieurs fois et en toutes les langues tous les soirs sur le chemin du retour. Cela aura-t-il un impact sur l’évolution de son narcissisme (international) ?

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9 janvier 2017

Au revoir 2016

motherhood

Quel meilleur moment pour (tenter de) reprendre le chemin des petits billets posés ici qu’une année qui commence ?

Pendant ces nombreux mois, je me suis engouffrée toute entière, autant que j’ai été avalée (la distinction souligne qu’il ne s’agit pas toujours d’un choix volontaire, mais qu’il l’a aussi été) par la maternité, ce terme abstrait qui cache une adorable et exigeante petite bouille aux grands yeux bleus dans lesquels j’ai un plaisir infini à me perdre (quand je ne lui renifle pas le haut du crâne).

Le plaisir alimente un bonheur immense mais nourrit aussi une absence de limites assez pernicieuse. C’est donc depuis cette vallée de la contradiction avec, à l’horizon, un équilibre qui disparaît aussitôt effleuré, que je vous écris. Une façon de dire que je ne peux pas garantir que je vais réussir à reprendre le blog sur une base régulière mais que j’ai appris à me remettre sans cesse en selle (je savais que l’expérience de la thèse serait utile un jour).

Si j’étais revenue plutôt, j’aurais certainement écrit des pages entières sur la révolution que je venais de vivre. Là, je vais juste la résumer.

Il y a ce que j'ai adoré. J’ai adoré accoucher sans péridurale (par peur de l’aiguille, allez comprendre) accompagnée uniquement d’une sage-femme et de mon compagnon. C’est l’expérience la plus positivement traumatisante de ma vie (je ne trouve pas meilleur qualificatif). Et ce, même si j’ai eu la sensation musculaire durable qu’un train m’était passé dessus les jours qui ont suivi. Alors qu’à la base, la peur d’accoucher était l’une des raisons déterminantes à ne pas faire d’enfant.
J’ai vécu un accouchement et un séjour en maternité respectueux et renforçant, alors que je redoutais les inhumanités légèrement sexistes commises couramment dans les hôpitaux, selon les professionnel-le-s sur lesquels on tombe. Je me suis sentie déboussolée mais paradoxalement plus forte en sortant qu’en entrant à l’hôpital, et ce n’est pas donné à tout le monde. J’ai vécu le magnifique hasard d’être soignée par une étudiante, qui avait suivi mes cours pour faire plaisir à ses parents qui ne juraient que par un diplôme universitaire, mais dont le rêve était de devenir sage-femme. Apprendre avec elle à allaiter ma fille fut un précieux moment de transmission qui bouclait la boucle.
J’ai été agréablement surprise de l’attachement spontané, direct et facile que j’ai ressenti pour ce petit être alors que je pensais que je serais de ces mamans bien légitimement en plein désarroi émotionnel lors de la rencontre de cette intime étrangère.
J’ai aimé allaiter alors que la vue et même l’idée du lait sortant d’un sein était dans le top 10 de ce qui suscite mon dégout. J’ai été relativement surprise par la décontraction dont j’ai fait preuve par rapport à la mise en route de l’allaitement (si ça ne marche pas, on lui donnera un biberon) comparativement à mes capacités de stress dans des tas d’autres domaines de la puériculture.  J’ai eu la chance que mon allaitement se termine exactement comme je le souhaitais, par une forme de consentement mutuel avec mon bébé curieux et dissipé qui en avait marre de ne pas pouvoir observer le monde lorsqu’elle avait le nez dans mes nénés pour manger, à peu près au moment où je reprenais le travail.
J’ai pu prolonger mon congé maternité d’un mois sans culpabilité ni difficultés financières grâce à un milieu professionnel bienveillant et une réserve d’argent constituée lors de mon précédent emploi qui ne l’était pas du tout, bienveillant (haha, j’ai utilisé ton argent pour pouponner, vilaine université ultra conservatrice concernant la place de la maternité dans la carrière d’une femme).
Et puis, j’ai un bébé facile à vivre, avec presque pas de coliques ni régurgitation, avec des phases de sommeil et d’éveil régulièrement alternées et qui s’endormait facilement ailleurs que dans nos bras sans pleurer. Je prends un plaisir fou à lui faire découvrir le monde qui l’entoure, la rassurer et la faire rire. J’ai aimé tous les âges, toutes les phases de développement jusqu’à présent.

Si tout cela semble d’une banalité quasi prosélyte sur le bonheur d’être mère, il n’en est rien. Je l’ai vécu comme de nombreux moments d’étonnement par rapport à moi-même, et de nombreuses chances (alors que cela ne devrait pas en être) vu le traitement médical, social et économique de la maternité dans notre société (symboliquement portée aux nues et rendue quasi obligatoire – mes sincères salutations aux résistantes et à celles qui souhaitent devenir maman sans pouvoir – mais, dans la pratique, au bas de l’échelle de la reconnaissance économique et sociale).

Il y a aussi toutes les difficultés, et tout ce que j’ai détesté. Je pensais les aborder en guerrière, les conseils non sollicités et la remise en question collective de tous mes gestes… et c’est ce que j’ai fait. Du coup, j’étais en colère trop souvent, alors que je me pensais assez forte pour faire face sereinement. Pour tout dire, je me sentais heureuse, confiante et à la hauteur dans les soins que je prodiguais à notre bébé quand j’étais seule ou avec mon compagnon (soins qu’il prodiguait aussi, mais sans bénéficier de l’avis collectif). Et intensément et profondément malheureuse en maternité dès que je devais me coltiner le monde extérieur. C’est dire à quel point j’ai réalisé avec encore plus de force qu’il était temps d’arrêter d’emmerder les mères et de n’envoyer QUE des messages de bienveillance et de renforcement.
Je regrette d’avoir tenté par conformisme de « la jouer cool » (parce que la mère moderne dans le milieu social dans lequel j’évolue est parfaite mais avec le détachement nécessaire pour pouvoir encore parler shopping et géopolitique) alors qu’il est légitime de ne vouloir parler que de ça pendant un moment… comme ce serait le cas avec toute expérience bouleversante qui nous occupe entièrement à un moment de notre vie. Parce que « la jouer cool » (ne pas stresser en voyage, ne pas stresser lorsqu’elle ne fait pas la sieste, et j’en passe), alors qu’en réalité un bébé nécessite une énergie et des apprentissages immenses ainsi qu’une capacité à faire face à l’imprévu à toute épreuve, ne fait que minimiser et rendre invisible tout le soin qui est donné. Et que cette idée de la modernité qui consiste à passer sous silence le boulot que les mères se coltinent quand même (qu’il soit équitablement partagé ou non – le plus souvent) est très loin de l’idée que je me fais du féminisme et de la réalisation épanouissante des femmes.
La notion d’égalité qui nous tient tant à cœur dans notre couple a été malmenée, alors que mon compagnon reprenait le travail à la fin de ses 10 jours de congé paternité et que je me spécialisais sans lui dans la compréhension de notre fille. Nous avons eu des difficultés, pour moi, à assumer et affirmer à certains moments que je savais mieux que lui, et pour lui, à l’entendre (ça se rééquilibre avec le temps, non sans séquelle sur la répartition égalitaire des tâches). Sans parler de devoir changer toutes les couches seules, nourrir seule, bercer seule alors que j’avais peur de ne pas tenir le coup physiquement vu l’épuisement. Franchement, on n’est pas trop de deux pendant 3 mois pour s’occuper d’un bébé et lui faire une place dans notre vie.
J’ai longtemps ressenti chacun des pleurs de notre fille avec douleur et angoisse, dans une violente urgence à répondre à ses besoins et trouver une solution. Ce n’est que lorsqu’elle a commencé à gagner en autonomie que j’ai cessé de réagir si vivement. Néanmoins, je frôle quand même l’épuisement nerveux à force de prévoir, anticiper et organiser bien au-delà du strict minimum (que je n’arrive même pas à situer exactement), en boucle, sans répit et avec une légère inquiétude sous-jacente toutes les facettes du quotidien.
Enfin, si je suis d’une patience sans limite lorsqu’elle est malade ou qu’elle se réveille la nuit, j’en ai peu voire aucune lorsqu’elle hurle comme une possédée touchée par l’eau bénite à chaque fois qu’on doit lui mettre des manches. La patience n’étant pas une qualité absolue et déconnectée du réel mais fonction du rythme de vie qu’on nous impose dans un système économique qui considère encore que le travail, c’est la vie.

Il y a enfin tout ce dont je n’ai pas le souvenir, perdu dans le flou de ces 10 mois passés en un clin d’œil. Je me souviens bien de la douleur de l’accouchement et de l’allaitement. Je me souviens précisément de la sensation de son poids sur mon ventre lorsqu’on l’a posée sur moi. Je l’ai trouvée si lourde, alors que l’instant d’avant elle ne pesait rien, faisant partie de moi. Je me souviens à quel point on l’a trouvée belle, à quel point son visage et ses gestes contenaient déjà celle qu’elle devient aujourd’hui mais aussi à quel point elle est différente de ce petit poupon au visage tout chiffonné. Mais je ne me souviens pas clairement de l’état d’épuisement physique. La seule chose qu’il m’en reste, et que j’entre-aperçoit plus clairement aujourd’hui, c’est l’état second dans lequel j’ai vécu ces premiers mois. Et pourtant, si on me proposait de les revivre, je signerais des deux mains, pour pouvoir gouter à nouveau à leur intensité. 

25 février 2016

La porte

 

door

Notre petite fille se fait attendre. Le terme prévu pour le 21 février est dépassé de quelques jours et le suspens est intense. Rien d’anormal à cela, les premiers bébés sont généralement plus long à venir et la médecine n’a jamais eu pouvoir de prédiction sur la nature. Notre bébé est bien en forme à l’intérieur de mon bidon et attend juste son moment.

Mais au-delà du suspens insoutenable malgré mes journées bien remplies (siestes et promenades, lectures et méditation, auxquelles j’ai récemment ajouté montées et descentes d’escaliers et lavage de carreaux en désespoir de cause), je sens en moi une inquiétude monter.

C’est qu’attendre un bébé qui ne vient pas, c’est une sensation que nous avons beaucoup éprouvée les dernières années. La solitude - pourtant bienvenue - des journées de repos pré-accouchement et les émotions font remonter cette analogie malgré la présence concrète de ce bébé dans mon ventre (j’ai pris près de 20 kilos et cette petite est plutôt du genre tonique dans ses coups de pieds) et – déjà - dans environnement domestique, transformé pour l’accueillir.

Mais je me suis rendue compte il y a moins d’une heure que je n’avais pas affaire à une analogie dont le sens apparait par hasard par la mise en présence d’émotions similaires. Cette inquiétude a toujours été là et devient plus aigue maintenant. En effet, j’ai eu une grossesse très zen et depuis peu, chaque matin de plus après le terme, je me réveille angoissée à attendre le premier coup pied qui va m’assurer de sa présence. Pendant tous ces mois d’infertilité, j’ai intégré, tel un réflexe pavlovien, le processus qui consiste à espérer très fort avoir un enfant, et que cet enfant rêvé me soit retiré au dernier moment tous les 28 jours. A l’époque, ma psy avait fait d’autres analogies : la perte brusque de son fils par ma grand-mère notamment, qui m’aurait imprégnée par psychogénéalogie. Dubitative, j’étais. Mais le truc semble bien ancré tout de même. C’est abasourdissant d’irrationalité mais au fond de moi, j’ai cette peur qu’on m’ait laissé espérer 9 mois et qu’on me retire le fruit de cet espoir à la dernière minute. Comme si rien de tout cela n’était réel. Si je laisse apparaître mes sensations dans leur plus simple appareil, il semble que j’ai beau être enceinte depuis 9 mois, c’est l’accouchement qui mettra fin à l’infertilité.

Alors, depuis que j’ai compris ça, je me répète comme un mantra : "c’est mon bébé, il est bien là et il va arriver". Plutôt que cette phrase, répétée trop de fois, de façon anodine et sur le ton de l’humour aux innombrables personnes qui téléphonent/textotent/mailent/facebookent pour savoir si elle est/va arriver : « non, elle ne veut pas sortir – triple smiley ».

Je ne sais pas si cela aura un impact transcendant. Je suis sensible aux significations cachées mais je n’ai jamais été très psychédélique dans mon rapport au monde. Je continue donc à manier la patience (dont je suis définitivement peu pourvue) et à pratiquer les escaliers. Mais changer d’état d’esprit ne peut pas faire de mal.

Si le passé de chaque mère en devenir parsème d’obstacles psychologiques son voyage à travers l’accouchement, comme semblent le penser plusieurs sages-femmes pourtant tout aussi au fait du processus physiologique et de son caractère imprévisible et irrégulier, voilà peut-être mon histoire et la petite porte que je dois franchir pour faire sortir mon bébé au grand jour et devenir maman pour du vrai. D’ailleurs, je suis déjà maman pour du vrai. L’intensité de l’amour que je ressens pour cette petite fille est très réelle.

8 février 2016

Les instants non formulés

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Une femme crochète dans le tram pendant que trois autres sont absorbées par le mouvement régulier de ses mains. Un fonctionnaire jovial tout de gris et de noir vêtu annonce à ses collègues qu’il a avec lui un très beau parapluie, en déployant le minuscule parapluie coccinelle de sa fille au-dessus de sa tête. Un couple qui n’avait pu que remarquer la troupe enthousiaste a confirmé en le voyant sortir du tram : « C’est vrai qu’il a un beau parapluie ». Une femme dit au téléphone : « Je ne vois pas de quoi il se plaint, moi j’aurais adoré avoir le pied cassé à l’école ». Deux ados parlent de leur relation avec leur beau-parent. Ils dosent quotidiennement avec précision manque de respect et remise en question de l’autorité de cette pièce ajoutée. Entre frondes et oppositions se déroulent des récits de violences et mauvais traitements. Et ce n’est pas la personne qui éponge aujourd’hui leur colère qui en est forcément l’auteur-e. Je lis par-dessus l’épaule d’une voyageuse le titre d’un chapitre intitulé : « la grande efficacité énergétique du vélo ». Il pleut des cordes. 

 

2 février 2016

La thèse, entre aliénation et perspectives - III

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Quelles perspectives ?

Concernant la pertinence d’une telle formation : la seule façon d'en retirer quelque chose, c'est de savoir pourquoi on commence (la réponse est arrivée pour moi en cours de route) et très vite faire les choix qui vont soigner le CV qui nous mène vers ces objectifs.

Parce qu'une fois à l'intérieur, tu ne trouveras (presque) que des personnes qui t'entretiendront dans l'évidence du doctorat et de la carrière académique, la fierté "d'en être" et quasi personne pour penser pragmatiquement en terme de nombre de places disponibles, d'avantages et inconvénients du doctorat et de sa possible valorisation en dehors de l'université. Il y a une véritable méconnaissance de la façon de trouver un job épanouissant hors de l’université d’autant plus grande que cette idée saugrenue est dévalorisée. Et même en te poussant vers la suite du parcours de chercheur/académique, il n’y a aucune implication concrète de l'université dans ton futur professionnel. Or, étape devenue obligatoire, tu devras te constituer une expérience à l'étranger, ce qui demande un gros investissement et des sacrifices (tout le monde n’a pas l’âme d’un expat). Il ne faut rien attendre, la suite t'appartient. Ainsi que les questions, si tu es du genre à souhaiter te reproduire ou investir dans l’immobilier : où et quand faire un enfant ? Quand acheter un appartement ?

Publier beaucoup et vite dans des revues cotées (alors que la qualité de la recherche, objet peu adapté au rythme de production en chaîne, en pâtit), poursuivre ta carrière à l’international (tandis que ton université embauche des chercheurs internationaux sur base de critères imposés par les classements des universités à l’international, peu importe s’ils auront les compétences suffisantes pour donner cours aux étudiants en français, voire même en anglais) fait monter la cote de ton université mère à l’international et ton cv dans un système qui ne valorise que cela. Si tu ne reprends pas les rênes, on ne te laisse pas faire autre chose. Comme préparer une sortie de secours (en choisissant de consacrer ton temps à un projet inscrit dans la société plutôt que dans les rankings internationaux, par exemple). Mais on ne te donne pas de perspectives professionnelles si tu te plies aux règles du jeu pour autant.  

Pour ma part, je trouve qu’il faudrait aussi sanctionner/valoriser les universités sur le nombre de doctorats qui rentrent dans la société « civile », leur apport à la société en quelque sorte. Le fait est qu’aujourd’hui, tes supérieurs (promoteurs, professeurs,…) en tout genres soignent leur réseau international et plus du tout, comme l’ancienne génération, leur réseau national. Ne compte plus sur eux pour te faire une place dans le monde du travail ici. Ils ne savent même plus comment ça marche.

Cependant, SI tu ne choisis pas la voie de l’international, un job à l'université est aussi une formidable opportunité (dans mon domaine en tout cas) de toucher à tout. En effet, l’université, c’est aussi un lieu où passe de l’argent (jamais assez, certes, mais tout de même) et où il y a un certain nombre de ressources non monétaires mobilisables. Très peu d'autres jobs m'auraient permis, au début de ma carrière, de faire une expo, de la recherche, de publier, de communiquer dans la presse, développer mes compétences pédagogiques, participer à des événements dans le monde associatif, culturel, académique et parfois même les organiser moi-même, en équipe, avec ce que ça demande de gestion pratique (demande, obtention et gestion de subsides, organisation logistique, etc.), de participer au travail d'édition, etc.

J’ai fait des choix en n’ayant pas la carrière académique en ligne de mire, mais aussi l’acquisition de compétences utiles ailleurs. J'ai expérimenté que tout cela est très valorisable et apprécié sur le marché du travail pour des jobs intéressants (si tu réussis l'exercice périlleux de faire voir aux employeurs novices en expérience doctorale la variété de tes compétences dans un CV qui ne dépasse néanmoins pas deux pages).

Pour ma part, je suis très reconnaissante d'avoir pu évoluer dans un centre de recherche qui donnait l'opportunité aux plus "jeunes" de participer et gérer des projets. Ces projets étaient parfois utiles tant pour un CV académique que hors académique. Et parfois pas. Pour moi, communiquer ses recherches dans la société est une des missions de l’université mais dans la course au ranking, ça n’a presque aucune valeur.

Mais il y a des limites à cette formidable opportunité, et elles sont considérables : ce sont les personnes avec qui tu travailleras et les structures existantes au moment où tu seras en doctorat qui délimiteront en grande partie ces possibilités de toucher à tout. Par exemple, un promoteur qui a complètement intégré la course au ranking international te laissera faire peu d'autres choses que de postuler à des colloques et publications internationales. C'est très bien pour accumuler des chances de continuer une carrière académique (quoique, le nombre de réelles opportunités reste le même) mais ça ne te permet pas d'accumuler des expériences valorisables ailleurs. Mais il y a aussi le cas de l'absence de centre de recherche dynamique pour faire tremplin, avec des moyens et un nom sous lequel monter des projets. Ou de l’absence de "supérieurs", disponibles, constructifs, pratiquant le donnant-donnant, investis dans leur rôle de promoteur ou tout simplement fiables. Sachant que tu ne peux pas toujours passer en toute légèreté d'une personne à l'autre en raison de clans et de concurrences internes.

Je ne peux que conseiller d'entrer à l'université le plus pragmatiquement et objectivement possible. Que ce soit dans le but de continuer une carrière de recherche (pour se préserver de l’amertume – bien compréhensible quand on découvre le pot aux roses sur le tard) ou pour travailler hors de l'université ensuite. Tout en sachant que tout dépend du doctorant qu’on veut être, mais aussi malheureusement des personnes qui accompagnent dans cette expérience, qui peuvent être des freins ou des tremplins. 

(Vous avez vu, j'ai réussi à cloturer avant d'accoucher)

(je vous conseille le commentaire de Zéphine sous le post du 7 janvier, qui éclaire tout cela d'une autre façon et qui recoupe largement les raisons pour lesquelles j'ai décidé de ne pas poursuivre à l'université)

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9 janvier 2016

La thèse, entre aliénation et perspectives - II

 

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La charge de travail, et au-delà : la charge émotionnelle et rapport vie privée/vie professionnelle

Pour ce qui est de la quantité de travail : le travail consacré au doctorat en tant que tel (c'est-à-dire la recherche et l'écriture) n'est pas insurmontable. Mais on ne s'en rend compte que vers la fin, quand le sujet est bien circonscrit. Avant cela, l'impression de marasme est tenace et peut passer à "très intense" à intervalles réguliers. Il faut un bon programme d'attaque (une succession de micro-objectifs) et une grande force mentale car tu es le/la seul-e à pouvoir te remobiliser en cas de désespoir.

Ce désespoir peut venir de doutes scientifiques, personnels ou de déceptions vis-à-vis de l'université ou des personnes censées t'encadrer mais cependant absentes - qu'elles soient surchargées de travail ou dilettantes. Oui, il y aura une série de personnes le long de ton parcours que tu voudras encastrer dans un mur, réaction dont la violence est à hauteur de la violence de leur indifférence à ton égard. C'est dur (même pour les moins sensibles d'entre nous) et solitaire.

D'autant plus du fait du manque d'équipement. Pas de bureau, à peine un bureau collectif, pas d'imprimante, d'accès internet fiable etc. à l'université. Pas d'accueil non plus, type "entrée en service", même quand tu deviens salarié et donc employé-e par l’université : des tas de questions pratiques restent en suspens, ce qui peut aussi générer des pertes de temps, en plus des doutes la première année. Tu es encouragé à entamer des projets collectifs mais tu ne croises jamais tes collègues dans le couloir, tu ne rencontres personne spontanément, l'info ne circule pas et quand le projet se met en place, tu en viens à travailler par Skype depuis ton salon avec ton/ta collègue bruxellois-e. Il faut de la discipline personnelle pour se créer sa propre structure. Trouver une façon d'établir un lien régulier avec l'université et un encadrant/quelques collègues (sous forme d'un projet, d'un cours) pour se sentir suffisamment intégré et donc investi dans les moments de flou. La discipline va flancher et les doutes prendre le pas et c’est là que fuit le temps et que grandit l’impression tenace que tu ne vas jamais y arriver.

Il y a aussi toute la partie consacrée à la valorisation de tes recherches (colloques, articles, collaborations, projets), que j’ai appelé dans mon organisation « troisième mi-temps ». Au final ce doctorat qui n'est pas insurmontable se fait dans une certaine urgence.

Il y a des périodes de travail intense et des périodes de grande liberté d'horaire (note : pas de travail « en labo » dans mon domaine. Tu peux travailler en pyjama chez toi). Dans les deux cas, l'équilibre et la limite entre temps personnel et temps de travail sont toujours difficile à faire respecter (une recherche à lire avant de prendre une décision). Il est parfois compliqué de tailler sa route entre tout ça. D’autant plus, en tant que femmes. On reçoit une sorte de lavage de cerveau selon lequel il ne faut absolument pas faire d'enfant durant la thèse sous peine de catastrophe (ici, et , des exemples de témoignages de sexisme dans l'université, spécifiquement par rapport à la maternité). Suivant l'idée qu'il faut que tu donnes ton corps et ton âme à la science sans interférence de ta vie personnelle : tu es un esprit pur (image valorisante à double tranchant pour les hommes et pour les femmes, car un esprit pur est malgré lui aussi au-dessus des droits de base du travailleur)(avoir un bureau est un droit de base)(les droits d’auteurs aussi). Mais d'un autre côté, rares sont les autres jobs qui te permettent tant de flexibilité horaire et d'adaptation et donc de place pour une vie personnelle, si tu t’imposes un peu. A noter que dans mon cas, je n’ai été capable de m’imposer que lorsque j’ai maîtrisé « psychologiquement » mon sujet. Avant cette étape, lavage de cerveau + sensation de ne pas m’en sortir me donnaient vraiment l’impression qu’il n’y avait pas de place pour autre chose dans ma vie.

Malgré tout, tout n'est pas noir. Il est possible, à intervalles tout aussi réguliers, de retrouver le plaisir de la recherche et de sa matière, de réaliser des choses utiles et percutantes, raisons pour lesquelles on est là, à la base (en tout cas moi, considérant mon sujet comme politique et ayant un message à faire passer). Le côté solitaire veut également dire qu'on dispose de plages de travail à l'abri des choses désagréables (alors qu'un employé normal est sans cesse sur son lieu de travail, confronté tant à ce qu'il apprécie qu'à ce qu'il trouve insupportable dans son entreprise et chez ses collègues).

Sous certains aspects, c'est un boulot (très) précaire et (très) abusif. Sous d'autres, c'est beaucoup de libertés que tu ne trouveras pas ailleurs.

8 janvier 2016

La semaine en vrac

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Dernier week-end des vacances. Spéculoos étrenne sa cocote Le Creuset reçue à Noel avec une (incroyablement bonne) blanquette de veau. Je termine doucement ces vacances en demi-teintes, où la liste de choses à faire a excédé de loin la quantité d’énergie disponible et a provoqué pas mal d’inquiétudes et de pleurs (adaptation, donc pour 2016, je disais). On continue de faire le tri dans la future chambre du bébé mais on ne termine pas (au moins, toute la littérature disponible sur le règne de Léopold III et la Question royale – dont elle n’aura vraisemblablement aucune utilité, ni immédiate, ni future - a trouvé une place ailleurs). Le retour de la pluie dimanche soir me déprime un peu pour la rentrée. Je prends un bain et Spéculoos a la bonne idée de passer par la salle de bain  au moment où je me rends compte que je ne peux désormais plus sortir seule de la baignoire de façon sécure. Avant de m’extirper de là, il prendra bien 5 minutes pour appliquer vigoureusement sur mes jambes cet agréable scrub amandes de chez l’Occitane reçu à Noël.

Lundi : la rentrée et Oh mon dieu, c'est le début de la fin ! Le moment où porter des vrais vêtements et rester assise en position bureau toute la journée suffit à t'épuiser pour te mettre au lit à 20h30. La reprise est dure et le week-end est loin. Discuter avec une amie de son père devenu dépendant et des difficultés liées à la gestion de son alcoolisme. Succession de rendez-vous médicaux et dernière échographie : Oh mon dieu qu'elle est grande ! Elle est immense. Elle est partout. Je suis assiégée. En vrai, elle est complètement dans la norme mais dans notre esprit, elle était restée toute petite. Sinon, tout va bien et je remercie mentalement mon corps de faire si bien le job qu'on lui a confié (rien n'est acquis, on est bien placé pour le savoir).

Mardi : affronter le tour des crèches pour confirmer notre volonté de nous y inscrire si, hypothétiquement, une place se libèrerait. Affronter l'idée de reprendre le dossier "vente de la maison de ma grand-mère" avec l'aide de Spéculoos et pleurer un peu. Affronter le sapin à défaire et à descendre sur le trottoir en parsemant la cage d'escalier d'épines. Bizarrement, moins je peux en faire, plus ça m'inquiète et me fatigue. On commente l’émission The Voice entre amis via la messagerie de facebook. Spéculoos en profite pour y glisser une photo de sa superbe… blanquette. Et promet une photo de carbonnades pour la prochaine édition.  On rigole bien.

Mercredi : lire, lire, lire au boulot. Faire les soldes en ligne et acheter de minuscules pyjamas pour compléter le lot de ceux que nous avons reçus. Aller se coucher d'humeur assassine sans raison sinon celle de ne plus pouvoir absorber de stimuli extérieurs (n'ayant que Spéculoos à assassiner à portée de main, il valait mieux pour lui).

Jeudi : savoir que l'association dans laquelle je travaille va réagir directement en radio et en presse écrite à l'actualité nauséabonde que je viens de lire m'aide à éloigner la nausée. ça et la vidéo de koala placée juste à côté de l'article nauséabond en question. Moi qui regrette habituellement le mélange des genres dans lequel se vautre actuellement la presse quotidienne pour engranger des clics, divertir et survivre… Là, j’applaudis des deux mains et notre slogan au travail devient : Vive les koalas (couvrant toute bête à poil et interventions féministes contrecarrant les discours nauséabonds). Sortir tôt du travail pour une session de travail intellectuelle et émotionnelle avec mon ex-collègue de thèse, en pleine rédaction de la sienne. Structurons ensemble toutes ces tentacules! On est déjà jeudi, pour finir ! La semaine est passée, pas trop lentement et avec un bon taux de survie.

Vendredi : faire le point au bureau sur le boulot à réaliser dans les prochaines semaines. Regain, sinon d’énergie, d’enthousiasme vis-à-vis des tâches qui m’attendent. Penser - déjà - au week-end, plein d’envie et plein de fatigue.  

7 janvier 2016

La thèse, entre aliéanation et perspectives - I

carnets de thèse

Alors que Tiphaine Rivière sort son « Carnets de thèse », une BD aussi hilarante que désespérante sur l’expérience du doctorat en France, et que je viens de terminer le mien en Belgique, je souhaitais faire un point sur mon expérience de la chose.

Pour une fois, vous trouverez ici moins d’errances émotionnelles – néanmoins présentes car il s’agit d’un élément crucial à prendre en compte dans l’expérience – et plus d’éléments pratiques. Le tout dans l’idée de répondre de façon détournée à la question : est-ce uniquement une aliénation volontaire ? La réponse varie selon le pays et le domaine du doctorat, ainsi qu’en fonction des buts poursuivis par le/la doctorant-e, il me semble. Je livre donc un avis très situé.

Pour info, ce billet est une reformulation d’une réponse faite à une personne qui hésitait à s’engager et qui me demandait conseil : quelle est la réelle charge de travail, quelles sont les perspectives ? J’avais pris quelques minutes pour lui répondre sérieusement. C’est-à-dire autre chose que le « Cours, tant qu’il est encore temps! », qui sort spontanément lorsqu’on reste dans le registre émotionnel (dans lequel j’étais alors plongée jusqu’au cou).

Pour placer le contexte de ma réponse 

J’ai été assistante employée à temps plein pendant 6 ans. Mon temps était divisé en un mi-temps thèse, un mi-temps pédagogique partagé entre divers cours et pour divers professeurs... et un troisième mi-temps de valorisation de la recherche et projets divers (sans lequel tu ne te fais pas un nom dans le domaine, ni, c’est mon point de vue, d’expérience valorisable en dehors de l’université) et j’ai terminé l'écriture de mon doctorat hors délai.

Ecrire une thèse ne faisait pas partie de mes projets. Après mon diplôme, j'ai travaillé un an (sur un CDI de 2 ans) dans mon domaine de formation à l’extérieur. Le poste qui s'ouvrait à l’université représentait très pragmatiquement un contrat de 6 ans dans un domaine qui ne regorge pas d’offres d’emploi ciblées. Ce qui a pesé dans la balance : un salaire, être employée sur un sujet qui me plaît, ainsi que l'idée d'intégrer l'université, parce que ça en jette quand même un peu.

A la fin de mon contrat, à moins de ne pas trouver de job hors de l’université, je ne souhaitais pas continuer le parcours académique. Le niveau de sacrifice qu'il demande dépasse de trop loin le nombre de réelles opportunités de postes définitifs et ce fossé chiffré a été accentué par ma déception et mon désaccord grandissants vis-à-vis des choix politiques des universités actuellement.

Exploitation ou non ?

En Belgique, dans mon domaine et dans bien d’autres il me semble, se lancer dans un doctorat sans financement n’est pas la règle mais l’exception (que je n’ai pas rencontrée dans mon parcours). Cela veut dire qu’on a une bourse, ou, dans mon cas, un salaire confortable.

La course aux quelques heures de cours payées en retard lorsqu’elles sont payées, telle que relatée dans la BD n’a pas été ma réalité. Du point de vue de la rémunération, c’était un CDI comme un autre (mais en Belgique comme ailleurs, nous faisons actuellement face aux assauts de la précarisation de ce statut en partie enviable).

Ce contexte pratique fait beaucoup pour ne pas être considéré-e comme quelqu’un qui aurait mis sa vie entre parenthèses pour rester ou redevenir étudiant-e le temps de la réalisation de la thèse. J’ai aussi eu la chance d’évoluer dans un environnement où on m’a confié des responsabilités et des parties ou la totalité de vrais beaux projets, ce qui aide à se considérer et à être considérée comme travailleuse et chercheuse à part entière et non pas comme perdue dans les limbes (ni tout à fait étudiante, ni tout à fait chercheuse, ni tout à fait travailleuse => Je ne sais pas si c’est vraiment comme cela que cela se vit dans d’autres pays dont la France, mais c’est ce que j’ai perçu à la lecture de la BD de Tiphaine Rivière).

Si elle ne réside pas dans le contrat et le salaire, où se loge cette part d’aliénation volontaire qui fait partie du doctorat ?

La plus grosse aliénation volontaire réside dans le caractère personnellement engageant de l’expérience. Peu importe que j’ai essayé de considérer ma recherche comme un job normal, il s’agissait d’un défi solitaire entre moi et moi-même, d’un dépassement de soi, un parcours initiatique. Et c’est ce que j’ai pu constater chez la plupart de mes collègues également. Les errements personnels ou critiques extérieures sont donc souvent vécues comme une atteinte à qui on est et à notre travail plutôt qu’à notre travail uniquement. Tu « deviens » ta recherche.

Cela ne vient pas que de soi : le milieu dans lequel tu évolues accentue aussi cette porosité. Tu apprends et élabore une recherche à partir de rien, mais tu es déjà censé-e être expert-e et maîtriser l’aplomb universitaire. Il y a peu (voire pas, selon sur qui tu tombes) d’espaces bienveillants pour la progression et l’apprentissage. De plus, la réduction cellulaire type de l’université, à savoir « une personne, une recherche, un cv », implique ce flou entre toi et ton travail. Le jeu universitaire est rarement de faire avancer une cause ou un projet à caractère public et/ou collectif, mais toujours, et même lors de projets collectifs et/ou public, de faire avancer sa personne en paraissant plus expert et plus intelligent que la personne d’à côté. Et certaines critiques sont vraiment dirigées contre ta personne ET ton travail.

((Je continuerais à insister dans la suite de ce bilan sur ces deux facettes de l’expérience : le ressenti et le contexte. Car tu as l’impression que si tu n’avances pas, tout est de ta faute, comme s’il s’agissait toujours d’une simple question de volonté personnelle (sensation que l'isolement accentue), alors que les difficultés rencontrées trouvent aussi leur source dans un contexte de travail peu favorable.))

Le point culminant de l'aliéanation volontaire est l'écriture. Ma famille qui avait de la considération pour ce job tant que je sortais livres ou articles ou que j'étais sollicitée par la presse sur l'un ou l'autre sujet (ça marche à la fierté, les parents) n'ont plus rien compris à mon choix de vie une fois que je me suis transformée en écrivaine maudite et torturée devant sa page blanche et que je me suis enlisée. C'est vrai, pourquoi s'infliger autant de douleur dans la vie? 

D’autres aspects entre exploitation et aliénation volontaire seront relevés au fil des deux autres posts qui suivront celui-ci :

Le rapport biaisé entre vie privée et vie professionnelle. Le fait que tu es seul-e et mal équipé-e pour avancer mais néanmoins, tout ce que tu fais sert quand même le renom de ton université… qui malgré cela ne te promet qu’un long parcours de sacrifices et de précarité pour espérer gagner une rarissime place en son sein, sans ouvrir de porte mentale à aucune autre alternative, etc. 

Mais c'est un peu long (et peu joyeux, même si je ne tais pas le positif et que l'histoire finit bien), donc j'ai divisé en petites bouchées...

31 décembre 2015

Un mot pour 2016

bloom

J’arrive juste à temps pour vous présenter le mot qui me guidera pour l’année 2016 : ce sera « adaptation ».

L’arrivée de cette petite fille tant attendue ne peut se préparer qu'en partie.

Je ne sais pas vers quoi on va, quelles aventures nous attendent. Il y a toutes ces choses que je ne peux pas apprendre à l'avance mais que j’apprendrais en la rencontrant, en répétant les gestes jours après jours, en m’adaptant à elle. Il y a tout ces imprévus, ces premières fièvres, ces premiers rhumes, ces premieres sorties, auxquels je vais devoir réagir sans savoir si je serais du genre à paniquer ou à garder mon sang froid, à sur-protéger ou à laisser couler.

Il y a toutes ces choses que je ne sais pas comment je vais vivre, ressentir. L’ampleur du bouleversement émotionnel est inconnu. Je sais juste qu’il sera là, la chose dont je reste sûre étant mon hypersensibilité.

Il y a tout ce que Spéculoos va devenir, lui aussi, dans cette aventure, sans savoir quelle forme cela prendra. J’ai la sensation que je vais découvrir deux personnes dans un peu moins de deux mois.

Je le sens déjà, depuis le début de la grossesse, je m’adapte. Parfois malgré moi, parfois volontiers, parfois avec difficulté. Parmi ces adaptations, ma plus grosse difficulté, c’est de m’adapter à la perte de capacité physique et de ma légendaire endurance au moment où, justement, j’aimerais compter sur mes « anciennes » (disons plutôt : temporairement inaccessibles) qualités : le mode bulldozer de l’organisation et ma grande capacité à surpasser la fatigue pour le plaisir et l’urgence à réaliser des choses (en l’occurrence, faire mon nid). Je pense que cette sensation de ne plus pouvoir tout faire aussi vite et aussi parfaitement que ce que je souhaiterais (et ma barre est placée inutilement haute) va perdurer, donc autant m’y habituer.  Parmi ces adaptations, mon plus grand plaisir, ce sont déjà ces émotions inconnues, intenses et intimidantes qui me demandent de faire une place à une partie de ma personne que je ne pensais pas du tout être.

J’aimerais beaucoup faire une place à ce mot, cette idée, dans ma vie : adaptation. Une place à part entière, une partie de mon fonctionnement. Et pas une place à négocier à chaque fois. Une place de choix entre ma prévoyance, ma sensibilité et mon endurance. D’autant que, j’en suis sûre, il s’agit d’un mode de fonctionnement qui pourrait me servir en toutes circonstances, me faciliter la vie et m’ouvrir au monde avec plus de fluidité.

Car il y a un autre chantier qui demande adaptation, déjà entamé lui aussi : mon nouveau travail. Je m’y sens toujours aussi bien, il m’intéresse tous les jours d’une façon différente. Mais on ne mue pas si rapidement de 7 ans de travail à l’université. Le ton docte et complexe sur lequel il est attendu qu’on s’exprime là-bas, et qu’on finit par intégrer, laisse des traces. J’ai l’impression qu’en 8 mois, j’ai acquis tout ce que je pouvais acquérir par des lectures, des faits, des processus. Je n’ai pas encore exactement le bon ton pour autant. Mais le reste n’est pas écrit. Il ne peut s’acquérir que par imprégnation et adaptation.

Ensuite, il s’agira de lier la sauce entre toutes ces nouvelles composantes… ça en fait des défis en 2016 :)

Une année 2016 que je vous souhaite bien belle, intense, douce, sereine et joyeuse !

18 décembre 2015

La semaine en vrac

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Cette semaine :

-  J’ai partagé deux jolis moments avec deux mamans bienveillantes et généreuses en conseils prodigués avec humilité, en crème hydratante pour le corps et vêtements de grossesse et pour nouveau-né. Ça fait beaucoup de bien, de trouver l’espace pour parler de l’intensité émotionnelle intimidante de ces derniers mois. Ça fait du bien de trouver cet espace en dehors du cadre amical habituel, où la concurrence entre mères est rude et le conseil un enjeu de pouvoir. Merci les trocs party pour ces relations qui perdurent…

- Lundi, j’ai enchaîné les réunions. Avec appréhension car cela fait un moment que je travaille en solitaire. En cours de route, je m’y suis sentie à l’aise.

-  J’ai épaté par ma compréhension du néerlandais, qui  n’était que relativement meilleure que celle de ma boss qui semble n’y comprendre strictement rien. Il en faut peu pour jeter de la poudre aux yeux.

-  C’est officiel, je suis lancée avec mon consentement et en solo sur un dossier technique, complexe avec travail politique accru et prise de parole directe. Je stresse, je carbure, j’aime ça. Mais achevez-moi ! (dit la fille qui n’a pas mis plus de 3 semaines à renier son auto-promesse de se tenir à carreau professionnellement)

-  Les chaises surnuméraires sont parties de l’appartement. Reste le vieux canapé rouge. Au plus je le regarde, au plus il me parait décrépi (décrépitude à laquelle le lapin-terreur a largement participé) et je me demande qui en voudra. C’est là que je reçois une réponse à mon annonce « à donner ». Si tout va bien, on lui dit au revoir ce weekend. Et le lapin récupère une place décente dans le salon, qui lui permet de reprendre son œuvre de terreur (menacer de grignoter tout ce qui se trouve à portée), parce que là, dans son exil momentané, elle sort peu.

- J’ai passé une soirée et une nuit en célibataire pendant que Spéculoos profitait sur le fil d’une place VIP pour la première de Star Wars à Anvers et finissait par y passer la nuit de manière totalement improvisée. Sans avoir réservé de chambre d’hôtel, sans caleçon de rechange et avec un I phone complètement à plat. Le soulagement lorsqu’il a réalisé qu’il avait aussi sur lui le portable du travail (un vieux nokia qui reste chargé trois jours d’affilée sans broncher) sur lequel j’ai pu envoyer deux trois infos utiles par la technique ancestrale du sms. On ne sauvera pas le monde avec des I phones, ça c’est sûr.

- Mon ancienne collègue de thèse, qui écrit la sienne, m’a entrainée dans une discussion sur la pertinence (absolue, à mon avis) de commencer les chapitres d’une thèse en histoire par des titres de chanson de Britney Spears.

- A mon grand désarroi, le rooibos « calisson » de chez Tea for two (amande au bon gout de massepain et orange) me donne l’impression d’abriter un dragon crachant du feu dans mon estomac.

- Ma sœur m’a fourni des citrons caviar. Je me réjouis de me rapprocher toujours un peu plus du grand but de ma vie : goûter le plus de variété d’agrumes possible.

- Une collègue m’a proposé son ancien lit de bébé, que sa maman garde précieusement, bien qu’elle commence à comprendre que sa fille ne procréera pas. Par contre, si elle me le prête, ma collègue pourra peut-être enfin faire comprendre à sa maman que ne pas vouloir d’enfant ne signifie pas « ne pas les aimer et ne pas aimer les femmes enceintes ».

- J’ai oublié la plupart des éléments importants de la semaine parce qu’elle fut chargée et est passée à toute vitesse. Je n’ai pas réussi à venir placer ici un article, en cours, sur la pertinence du doctorat et son caractère avéré ou non d’aliénation volontaire. Mais ça va venir. 

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Les filles sages vont au paradis, les autres où elles veulent
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