Se prendre par la main pour avancer
Il y a une réflexion qui m'est apparue de façon limpide et percutante il y a quelques temps, et que je m'étais promis de coucher un jour ici. Le joli billet d'Isa me l'a rappelée. J'en profite pour vous la livrer.
Plusieurs personnes dans mon entourage (mon compagnon, quelques ami-e-s) identifient clairement, depuis leur enfance jusqu'au début de leur vie professionnelle, des personnes qui ont bloqué leur apprentissage et leur épanouissement. Il s'agit souvent de personnes qui ont été autoritaires et dures avec elles à un moment critique où l'accompagnement, plus que la sévérité, était de mise.
Les "Tu ne vas donc jamais y arriver!" ou "Qu'est ce que tu fous toujours là, t'es un peu empoté quand même" prononcé par un professeur ou un parent face à un défi à relever, une difficulté à surmonter, nous ont fait perdre nos moyens. Nous en voulons à ces personnes qui, par leur attitude, nous ont bloqué et renfermé dans notre coquille avec des angoisses indépassables et une mauvaise image de soi. Peut-être que si on nous les avait expliqué calmement, on aurait compris les maths. Peut-être que si on ne nous avait pas (littéralement) jeté dans le grand bain la première fois, on aurait pas mis 27 ans à apprendre à nager. Voilà pour les exemples les plus softs.
Aujourd'hui, nous identifions parfaitement la violence de tels propos et nous savons qu'ils ne sont pas appropriés face aux enfants (ou même adultes) en situation d'apprentissage que nous étions. Nous savons que nous ne sommes pas empotés et nous ne laissons plus personne nous le dire. Dans la vie de tous les jours, nous identifions les personnes pour lesquelles exigence et bienveillance ne sont pas incompatibles et avec lesquelles il est agréable et constructif de réaliser nos projets et au contraire, celles qui manquent d'humilité ou de tact dans la transmission de leurs savoirs et savoir faire et qui éprouvent le besoin de nous réduire en bouillie, de nous traiter durement pour nous apprendre quoique ce soit. Et nous refusons de nous laisser traiter encore comme ça.
D'où vient-il, alors, que lorsque nous nous trouvons face à des difficultés aujourd'hui, nous nous parlions sur ce même ton, dur et dénigrant ? Comme si nous donner avec acharnement et violence des coups de cravache, comme à un cheval qui bloque devant un obstacle, allais nous faire sauter.
A mon compagnon qui me faisait part, avec virulence à son propre égard, de son incapacité à affronter une tâche qui l'inquiétait dans son travail, j'ai rappelé toutes ces personnes. Je savais qu'il connaissait parfaitement bien leur effet nuisible sur sa progression. Et je lui ai demandé pourquoi il s'infligeait ce qu'elles lui avaient infligé, mais c'était une autre façon de me le demander à moi-même.
Tu sais que ça ne fonctionne pas. Tu te connais et tu sais ce dont tu as besoin pour dépasser ce qui te fait peur. Mets fin à ce cercle vicieux et choisis celui, vertueux, de l'apprentissage. Prends par la main ton enfant intérieur, explique lui la situation calmement, rassure-le et invite-le à faire un pas à la fois. Mais surtout, ne lui lâche pas la main et ne lui crie pas dessus. Félicite le pour chaque pas accompli et poursuis ta progression.