Petites recettes à l’usage des personnes qui se dissolvent dans les relations humaines
Dernièrement, j'ai réalisé que j’avais mis en place une série de mantras qui me préservaient de tomber dans certains de mes travers. Il n'ont donc absolument rien d'universel. J’ai voulu les partager sans prétention, au cas où ils pourraient servir à quelqu’un...
* Avant, je passais un temps considérable à anticiper l’effet de mes paroles et de mes actions sur les autres. Ne nous méprenons pas: je considère cela comme un bien. Jusqu’à un certain point. C’est un fardeau lorsqu’on ravale des paroles et des actions au profit du bien être mental de l’autre alors que leur expression serait approprié et parfois même nécessaire. Cela devient périlleux lorsqu’on est à soi tout seul le sas où s’accumulent ses propres émotions et celles de l’autre, que l'on "répare" par anticipation. Aujourd’hui, lorsque j'ai peur de manifester un ressenti, je me rappelle qu’il faut laisser la part de l'autre à l'autre. Chacun son lot de contrariétés et de frustrations. Vouloir mener une vie qui n’en crée exactement aucune chez les autres est un peu trop ambitieux voire irréaliste, à moins de s’effacer complètement. Dernier exemple en date : lorsque ma mère me dit au téléphone qu’elle a appris que venir dans la maison familiale m’est difficile et désagréable, je ne morfonds pas à l’idée que cette nouvelle ait pu la rendre très triste. Mon désamour pour la maison familiale est ma part, déjà conséquente, d’émotions à gérer. La tristesse que cet état de fait peut provoquer chez ma mère relève de son lot d’émotions. Elles ne m’appartiennent pas.
* Avant, je passais un temps considérable, après une action publique à haut niveau de challenge (donner un nouveau cours, participer à un colloque), à décortiquer ce que je n’avais pas fait parfaitement en traquant le ridicule de ma petite personne dans les détails. Cela pouvait provoquer chez moi des bouffées de honte à retardement. C’était totalement disproportionné. Aujourd’hui, je me rappelle que le dimanche matin, 7h45, dans mon lit, les yeux fixant le plafond, il n’y a que moi qui y repense, à l'événement en question. La personne que j’imagine avoir été témoin de mon ridicule est certainement occupée à ronfler en laissant un filet de bave sur son oreiller, ou alors elle donne le petit déjeuner à son rejeton, à moins qu’elle complète en ce moment même sa collection de timbres ou s’épile les sourcils. Ou bien elle fait caca. Bref, à ce moment précis, je suis le dernier de ses soucis. Réaliser cela a pour effet magique et immédiat de faire disparaître le regard extérieur, condition sine qua non à la sensation de honte. Deuxième effet Kiss Cool: c’est généralement à ce moment-là que je réalise que c’est moi qui me trouve ridicule et qu’il serait grand temps que je me foute un peu la paix.
* Avant, je n’imaginais pas me confronter au monde autrement que de bonne humeur. Je pensais que c’était une obligation sociale. Je ne parle pas simplement d’être polie et aimable mais bien de se rendre super agréable aux gens en toutes circonstances. Sauf que...C’est très difficile à respecter les jours où tu as le moral dans les chaussettes mais que, pas de bol, tu dois sortir quand même. Ajoutez à cela une dose de timidité et de réserve naturelle et la journée peut alors très vite paraître insurmontable à la pauvre chose stressée par les relations sociales que vous êtes. Aujourd’hui, dans ces cas-là, je me rappelle que j’ai le droit de ne pas sourire. Le liant social ne repose pas uniquement sur mes épaules: je peux parfois me reposer un peu sur les autres. Vous vous rappelez quand votre collègue super sympa avait sa tête d’enterrement et a grogné au lieu de vous dire bonjour? Vous vous êtes dit que c’était son jour «sans» et vous ne lui en avez pas tenu rigueur en maudissant sa famille sur trois générations. Et bien aujourd’hui, c’est votre jour «sans». Les autres gens, lorsqu’ils sont sympas et si vous n’en abusez pas, ont généralement une petite réserve de tolérance qui vous est destinée. Et si ce n’est pas le cas, ce n’est pas forcément vous qui avez un problème.
* Avant, mue par le seul plaisir d’entrer en contact avec autrui, je voyais mes amis sans jamais me demander quel effet ils avaient sur moi. Aujourd’hui, je fais l’effort de tenir mentalement un compte du plaisir amical, avec entrées et sorties. Il y a des personnes qui vous donnent de l’énergie et d’autres qui ne font que vous en prendre. Certaines font l’un et l’autre dans un bel équilibre. Il y a aussi des amitiés qui meurent et qu’on maintient en les faisant tourner à vide. Sans parler de la personne qu’on continue à voir (en espérant de voir éclore sa personnalité) car on sait qu’elle a un bon fond, malgré son comportement social biaisé et destructeur. Seulement, vous passez du temps avec une personne telle qu'elle est et non avec celle qu'elle pourrait être (ou celle qu’elle fut). C'est cette première qui a un impact sur vous. Le compte permet de visibiliser ces échanges d’énergie et le taux de plaisir lié à une relation car il se base sur les faits (et non sur un espoir ou une nostalgie). Bien sûr, cela peut être une très bonne façon de débusquer les personnes délétères et de s’en éloigner. Mais le but de cet exercice n’est pas de faire tomber un couperet horriblement pragmatique sur les relations non productrices de bénéfices pour ne garder que les meilleures. Il s’agit plutôt d’un outil pour organiser son agenda amical autour de ces flux d’énergie afin de se préserver un équilibre. Le défi étant d'avoir une une vie sociale qui se structure autour des amis qu'on veut voir, mais aussi à partir de soi. Pour ne pas se retrouver un jour les batteries à plat sans savoir d’où vient la fuite.
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