Une brève histoire du tracteur en Ukraine - Marina Lewycka
C'est l'histoire d'un vieil ukrainien vivant à Londres qui, après le décès de sa femme, s'entiche d'une ukrainienne pure souche. Il s'est mis dans la tête de l'aimer, de l'épouser et de les sauver, elle et son fils, prétendu génie que seule une éducation anglaise pourra révéler. Intellectuel déconnecté de la réalité que la vieillesse rend fantasque, il s'arme pour ce sauvetage d'un amour anachronique pour son pays d'origine, de Nietzsche et d'une vision très optimiste de l'être humain. Les deux filles du vieil homme ne l'entendront pas de cette oreille, suspectant (à raison) un mariage de profit. En bons sujets britanniques, elles oublieront leurs désaccords passés pour alerter les services de l'immigration. S'en suit une procédure pleine de rebondissements pour faire sortir Valentina, la jeune épousée, du pays.
La construction des personnages fonctionne très bien. Valentina est énorme de rondeurs féminines et de force brute, inquiétante et potentiellement violente. Elle traîne ses cheveux blonds décolorés, ses mules roses à talons et pompons ainsi que ses tailleurs moulants et satinés dans la maison autrefois habitée par la mère des deux filles, semant dans son sillage une myriade de cotons imbibés de dissolvant et de vernis nacré et des barquettes de plats surgelés.
Nikolaï, en comparaison, est minuscule et rabougri, lui qui est pourtant l'inventeur de la recette des "Pommes Toshiba" (la confection de compote minute au micro-onde) et écrivain d'une histoire marxiste du tracteur en Ukraine (dont plusieurs extraits entrecoupent le récit, pour la joie de plus en plus mitigée du lecteur au fil des pages). Il est complètement effrayé par la cruauté dont peut faire preuve Valentina mais abruti par les formes généreuses de son opulente féminité, ce qui en fait un allié peu fiable de ses deux filles.
Le Monde, sur la quatrième de couverture, promettait un roman hillarant. Certes, le tout offre un tableau absurde et grotesque. Mais, si les dialogues en français approximatif (enfin, en anglais dans l'édition originale) entre les époux donnent une allure comique au récit, notamment lorsque Valentina voit la concrétisation de son ascension sociale dans l'achat d'une cuisinière blanche (et non pas marron comme en Ukraine), ce n'est jamais hilarant. Si bien que je me demande quel complot est à l'origine des avis apposés sur les quatrièmes de couverture.
A vrai dire, les ressorts comiques du roman ne m'ont pas permis de me défaire de cette histoire familiale assez agaçante à base de deux soeurs qui se caricaturent dans leurs opinions politiques et d'un père infantile.
Mais, la promesse d'hilarité dépassée, je ne peux pas dire que j'ai passé un mauvais moment.