La méthode Al dente
Ma recherche d'emploi se passe bien, bien qu'elle soit en même temps frustrante (lieux communs, bonjour). Mon CV fonctionne et est sélectionné régulièrement. Cela signifie que j'ai réussi à identifier les secteurs dans lesquels je peux valoriser mes compétences. Et que j'arrive à faire passer ces compétences en moins de deux pages à des employeurs qui pensaient au préalable qu'à l'université, on passe ses journées dans les bibliothèques. Je suis rassurée. Par contre, il m'est arrivé quelques fois de passer au travers d'un processus de sélection jusqu'à la dernière étape, et de ne pas être prise. Et là, la fatigue commence à s'installer. ça demande bon nombre d'heures de préparation, des examens écrits de 3h qui contiennent le travail à abattre d'environ une semaine pour une personne en poste, des examens oraux avec préparation de "fausses" formations ou autres exercices, des entretiens avec le GRH, puis le boss et la collègue directe, puis le big boss et des tests de logique à base de dominos et petits carrés remplis de hiéroglyphes divers à n'en plus finir.
Ce que j'en retiens de positif, c'est que je ne suis pas encore au stade du doute et de l'atteinte à ma confiance en moi (je pense que la recherche d'emploi, c'est comme le deuil, il y a des stades émotionnels et on passe par chacun d'entre eux, je ne me fais pas d'illusion). Juste au stade de "j'aimerais que toute cette dépense d'énergie et cette implication soient payantes" et "faites que la prochaine soit la bonne parce que je ne me vois pas faire ça des dizaines et des dizaines de fois". Mais c'est le jeu.
Alors, bien sûr, cette recherche d'emploi morcelle mon temps consacré à finir ma thèse. Mais ça m'aide aussi. J'introduis dans mon travail personnel des techniques issues des examens écrits. Trois heures pour abattre le travail d'une semaine, tenter de briller par ses réponses tout en ne pouvant pas se permettre d'affiner sa prose, c'est exactement ce qu'il me faut. Un temps limité pour tout donner, parce que le job tant désiré en dépend, sans tergiverser sur la qualité de ce que je suis en train de coucher sur le papier. Ces examens m'ont montré que j'y arrive, à déployer suffisamment de concentration ininterrompue et de lâcher-prise pour abattre une grande quantité de travail en un temps limité.
Du coup, maintenant, je travaille avec une minuterie. Je minute des sessions d'une demi heure à une heure durant lesquelles je mets en off mon souci de la qualité pour le remplacer par celui du rendement et laisser sortir les choses de ma tête de façon brute et directe. Il apparaît que ce que j'écris alors plus vite n'est pas plus mauvais. Cela démontre clairement que mon souci de la qualité n'augmente pas la qualité. Il me fait douter et perdre du temps.
Ce n'est pas une révélation pour moi, je m'en doutais depuis longtemps. Par contre, je n'arrivais à la déjouer que rarement. Aujourd'hui, il me reste une trentaine de pages à écrire et tout un tas de corrections à faire, alors que je suis dans trois processus de sélection différents. Je vais continuer à me faire violence avec l'aide d'un petit boîtier aimanté acheté quelques euros il y a plusieurs années chez ikéa, qui trône généralement sur mon frigo et décompte les minutes de la cuisson des pâtes.
- La plus grande violence résidant en réalité dans la sonnerie de la minuterie, sachant que je sursaute quand mon téléphone sonne (ou vibre), quand ma tartine saute hors du grille-pain (machine de l'enfer) ou quand mon lapin nain éternue (elle est sujette aux sinusites) -
J'espère que le résultat sera al dente.