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Les filles sages vont au paradis, les autres où elles veulent
1 juillet 2013

Une énergie débordante

liste1

 

Samedi matin, je me suis réveillée toute embrouillée, la tête pleine à craquer d’envies et de trucs à faire. Je n’avais pas encore posé un pied hors du lit que j’étais déjà pleine de frustrations (de ne pas pouvoir tout faire) et fatiguée (d’avoir tout fait en pensées). Comme ça faisait des noeuds, j’ai retrouvé un peu de sérénité en faisant une liste. Celle sur la photo, là-haut.  

Quand je suis descendue, Spéculoos a montré son étonnement dubitatif et impressionné par la longueur de la liste. Moi aussi, elle me paraissait longue, mais sans l’étonnement, vu qu’elle était le reflet de tout ce qui surnageait dans ma tête (et équivalente à ce qui y surnage en permanence). Alors que lui s’était installé à son ordinateur pour jouer et envisageait de le quitter à un moment dans la journée pour faire 3/4 d’une vaisselle, faire tourner une machine et passer l’aspirateur, moi j’avais mille envies et la conscience aiguë de ce qui n’avancerait pas si on ne prenait pas le taureau par les cornes. Ce n’était pas la première fois qu’on était en décalage concernant le rythme de notre temps libre.

Sur cette liste, il y a autant de «choses à faire» que d’envies non obligatoires. Et parmi la première catégorie, il y a des tâches domestiques barbantes mais aussi d’autres, qui ressemblent à des tâches domestiques mais que je prends plaisir à réaliser (bricoler dans l’appartement, réparer) car elles améliorent notre quotidien. Elles répondent à mon plaisir de faire quelque chose de mes mains et à celui de prendre soin de nous. 

Le problème, c’est que même si j’ai soigné l’hyper-activité et l’amour excessif de l’ordre qui répondaient tous deux à des angoisses et qui me poussaient à avoir des listes d’envies et d’obligations à rallonge, je me prends encore régulièrement les pieds dans mon énergie débordante. Si, maintenant que j’ai réglé certains noeuds psychologiques, l’énergie se trouve exploitée pour de bonnes raisons et à un rythme qui vient de plus en plus de moi (et qui inclut lectures, repos et rêvasseries) et pas de l’entêtement à tout faire, je suis encore une personne frustrée.

Cette frustration apparaît de deux façons : quand je me confronte au rythme des autres, qui n’est pas toujours égal au mien et quand mon énergie m’auto-sabote.

Malheureusement pour nous, la vie de couple est remplie de ces moments de rencontre de rythmes différents (considérant que dans le monde professionnel tout le monde est bien obligé d’être un minimum tourné vers l’action et qu’avec des amis, je ne me concentre sur rien d’autre que boire/manger/dire des bêtises). En fait, même si cette énergie tournée vers la concrétisation me vient naturellement, ça ne me dérangerait pas que certains des points de la liste se dissolvent d’eux-mêmes, parce qu’une personne qui aurait autant d’énergie que moi réaliserait la tâche et la ferait disparaître. Avant qu’elle ait le temps de surnager trois semaines pour finir par m’encombrer l’esprit et assombrir mon moral un samedi matin. Il m’arrive surtout d’être frustrée par le déséquilibre qu’il y a à toujours se projeter dans l’action et mettre les choses à l’agenda (et donc dans ma tête), ce qui représente un poids invisible inéquitablement réparti et ce, même si pour finir le travail est toujours très équitablement partagé quand il s’agit de faire les choses.  

Mais outre ces considérations pratiques, ma vilaine frustration a le pouvoir peu reluisant de se muer en blessure intime. Pour pas mal de ces réalisations domestiques agréables et relativement dispensables (trouver un crochet adapté pour le calendrier que nous avons choisi à deux à Londres et qui attend d’être utilisé depuis 6 mois), l’énergie me vient de l’envie de prendre soin de nous. Lorsque je suis dépassée par mes propres listes et qu’il m’arrive un bug comme samedi matin, l’amertume s’auto-alimente et j’en arrive à ne pas comprendre pourquoi la même envie n’est pas présente et ne génère pas la même énergie chez l’autre. Pourquoi ne serait-il pas poussé par le même plaisir à réaliser des choses pour nous ? Je le prends alors personnellement, comme un défaut d’amour. 

Au-delà de la vie de couple, j’ai aussi une incompréhension pratique face à l’inaction: comment est-il possible de ne pas être tourné vers la concrétisation ? J’ai un défaut, une carence, que dis-je, une absence totale de fatalisme qui me colle à la peau comme un réflexe (par contre, je n'ai aucun souci avec un certain degré de procrastination). Ce qui pourrait paraître être une qualité est en fait un horrible défaut : cela me rend très dure envers autrui. Si mon moral ne dépend plus du fait que l’appartement soit nickel comme au temps de mes angoisses, au bout de trois semaines à croiser les bocaux en verre à porter à la décharge dans un coin de l’appartement et 6 mois à voir le calendrier traîner sur un meuble, il me parait incontournable et évident qu’il va falloir - quand même - faire quelque chose. Et incompréhensible que personne n’arrive au même constat que moi. Je ne peux pas quitter une réunion de travail si un point reste flou, reposant sur l’idée qu’il va s’auto-réaliser d’une manière ou d’une autre. Dans le privé ou le professionnel, le «ça va bien finir par se faire», passif et impersonnel me donne, selon l’humeur, l’envie de mettre les choses en pratique ou des pulsions d’agressivité. Si on veut que ça finisse par se faire, il faut commencer par décider par qui, où, quand et comment.

Les choses ne sont pas simples. Nous sommes chacun dans des excès qui nous sont propres et nous devons régulièrement replacer le curseur d’énergie en son juste milieu, Spéculoos et moi. 

En effet, je ne peux pas prétendre être uniquement dans le bon, même avec des qualités aussi belles qu’une imposante quantité d’énergie, une propension à l’initiative, à l’action et à la concrétisation (qui par ailleurs me sont très utiles). Même si mes moments de colère sont remplis à craquer de mauvaise foi (à savoir: l’évidence supérieure de mon propre fonctionnement et le rejet viscéral de celui de l’autre). Pourquoi ? Car lorsque j’observe la situation de près, je dois me rendre à l’évidence: si la frustration grandit petit à petit, elle n’explose généralement que quand je suis déjà en overdose. Quand les listes grandissent au-delà de mes limites personnelles. Quand je suis coincée par mon entêtement à tout réaliser : mes envies, mes plaisirs, mes semi-plaisirs et mes obligations et que cet entêtement redevient pathologique. Quand je n’arrive plus à me détendre du slip, pour des raisons légitimes (ces bocaux, quand même...) ou non légitimes (oui, mais si je veux faire 10 choses aujourd’hui, il faudra bien en laisser tomber une ou deux... Et est-ce vraiment grave s’il s’agit des bocaux à aller porter à la décharge?). Trop souvent encore, être malade ou épuisé m’arrive par surprise alors que je pourrais le prévoir, si je ne me laissais pas emporter par mes envies. Trop souvent, ces états sont encore considérés comme une défaite et une frustration et non pas comme un tête à tête avec mon corps, normalement fatigué, qui se repose.

Mais ça, j’ai du mal à le dire publiquement, car je ne voudrais pas que Spéculoos s’en serve pour éviter de prendre sa part de la portion légitime de la liste et parce que ma mauvaise foi reprend très vite le dessus...

Et vous, ça vous arrive de vous prendre les pieds dans votre énergie ?

 

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Commentaires
N
Je pratique aussi la procrastination mais généralement dans mon cas, quand elle est là, c'est le signe que la chose à réaliser m'angoisse et qu'il y a un souci. <br /> <br /> Sinon, quand je dois écrire, je fais mille aller-retours entre ma page à moitié blanche et des tas de trucs inutiles devenus absolument indispensables... on dira que ça fait partie du processus de création :p
C
C'est marrant, moi c'est tout le contraire: je suis capable de m'efferrer dans la procrastination jusqu'au cou jusqu'à en être malade de culpabilité.<br /> <br /> "Boh, ça peut attendre...pfff, on verra ça plus tard..." Et la fin, je craque et je fais tout d'un coup, ce qui n'est absolument pas la solution ! :(
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