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Les filles sages vont au paradis, les autres où elles veulent
26 décembre 2012

Un mot pour 2013

Plutôt que de bonnes résolutions, que pensez-vous de l'idée de choisir un mot qui vous guidera durant l'année à venir? C'est l'exercice que j'ai découvert chez Armalite qui l'a elle-même découvert sur le blog d'Ali Edwards et auquel je me suis prêtée. Choisir ce mot, c'est se choisir une boussole, un fil rouge mais cela permet aussi de faire le point sur un besoin, un souhait ou une aspiration: c'est particulièrement éclairant et ça fait du bien...

équilibre

(source introuvable)

Le mot de cette année ne sera pas réussite et ce même si j'approche de la date de remise de la thèse et que j'ai l'impression que tout se joue maintenant. Il me reste deux ans, le mot réussite peut venir l'année prochaine. C'est justement parce que j'ai tenu tout près de moi cette angoisse de la réussite depuis les quatre années de salaire payés par l'université que je n'ai pas réussi à trouver d'équilibre. Ma vie pouvait contenir autre chose que la thèse et je n'ai pas réussi à me penser suffisament autrement, malgré le blog qui est une belle tentative. Chaque année qui a passé, je l'ai regardé a posteriori en me disant que j'aurais pu faire telle ou telle chose pour moi, qu'il y avait de la place, qu'en fait c'était l'année prochaine qui allait vraiment être rude. Et après m'être privée 12 mois de plus, le 31 décembre de l'année d'après, je faisais le même constat. 

Alors, le mot que je choisis pour cette année est positionnement. Mon positionnement à l'intérieur de ma propre vie, vis-à-vis de tous les domaines qui la composent. 

Je sais au fond de moi, depuis toute petite, que je ne suis pas quelqu'un qui préfère le travail à la vie, que mon niveau de sacrifices à consentir au monde professionnel est très moyen. A 10 ans, je ne savais pas ce que je voulais faire, mais je savais que je ne serai pas quelqu'un qui travaille "trop". Cette certitude ne procédait pas d'un modèle parental que je rejetais, mes parents ne sont pas carriéristes ni très occupés. C'était simplement là. 

Mais il y a une partie de moi qui est attirée par les paillettes qu'offre le fait d'être dans l'excellence de mon domaine. Et entre ces deux tendances contradictoires, il y a surtout cette partie de moi qui s'empêche d'y réfléchir, à cet équilibre entre professionnel et personnel, et qui avance dans la violence d'un système (en l'occurrence, universitaire*) comme quelqu'un avance sous la pluie, en rentrant le cou, en plissant les yeux et en marchant d'un bon pas, pour être plus vite rentré. Sans réfléchir, même si je sens que ça me gêne aux entournures, j'avance. Comme une bonne élève, je me dis qu'il faut que je convienne, que j'adhère. Je sens que ça ne me correspond pas (et que je ne corresponds pas) (comprendre: j'aime ce que je fais mais je ne satisfais pas au exigences délirantes à moins d'y laisser un bras, une jambe et une partie de mon âme) mais je n'ose pas lâcher, de peur que tout s'écroule. Je vois des gens plus expérimentés - et ce sont souvent les meilleures personnes - être détruits physiquement et psychologiquement par un système qui les broie mais il y a cette partie de moi qui continue quand même à avoir peur de leur désapprobation au cas où je refuserais une partie des règles du jeu, et ce même si j'ai en main beaucoup d'éléments pour les confronter à l'absurdité de la chose. 

Bien sûr, je me concentre sur le positif, parce qu'il y en a. Mais doit-on uniquement jauger le degré de malaise à consentir à l'aune du positif que l'on reçoit en retour, ou aussi en fonction de ses besoins plus profonds? La pensée positive peut avoir ses revers. 

Derrière le choix professionnel dont on pense qu'il est le choix total, celui avec lequel on nous rabâche les oreilles depuis la petite enfance, juste après, il y a le choix de vie, du type de vie qu'on a envie de mener et dont on nous parle trop peu, je trouve. 

Le positionnement dont je parle procède effectivement d'un choix: volontaire, incarné, concret, lucide. C'est un acte (ou plutôt une multitude de petites actions au quotidien) à poser. Pour le dire plus vulgairement: il faut se bouger le cul.  

Mais en même temps ça demande quelque chose de beaucoup plus immatériel et d'énorme pour moi: de la confiance en l'avenir. Faire le pari que cela va marcher. Si je ne donne plus tout, si je refuse une partie des règles du jeux (si, pour prendre l'exemple le plus énorme, je romps la règle tacite qui veut que faire un enfant durant sa thèse est une hérésie disqualifiante), est-ce que je vais arriver à tout mener de front d'une part, et d'autre part, est-ce qu'on va encore vouloir de moi? En d'autres termes, est-ce que dans cinq ans, j'aurai de quoi manger? Donner une position relative et non plus toute puissante à son travail au sein de sa vie demande un lâcher-prise, de ne plus vivre uniquement pour accumuler de la sécurité pour le lendemain.

Alors cette année, je souhaite me positionner. Y réfléchir plutôt que d'avancer en serrant les fesses. Et avoir le courage, par une suite de petits ou grands ré-ajustements, de reprendre cette vie qui m'appartient. De positionner des projets personnels à côté des projets professionnels, de réussir un équilibre qui ne soit plus guidé uniquement par la peur de me retrouver sous un pont, de m'avouer et d'avouer au monde ce que j'accepte et que je refuse dans les sacrifices imposés et de faire le pari que ça peut fonctionner comme ça aussi. Il ne s'agit pas de choisir entre vie professionnelle et vie personnelle, mais de les faire cohabiter dans le respect. 

Cette année, je souhaite "repositionner" et c'est un autre mot pour dire "choisir la vie que je souhaite avoir". 

 

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* je ne développe pas ici, mais si ça intêresse, je peux le faire ailleurs. Enfin, peut-être, si j'ai le courage :)

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Commentaires
N
@ toutes: merci pour vos encouragements!<br /> <br /> <br /> <br /> @ Akroma: j'avais commencé à développer dans le texte mais ça donnait un post à deux têtes donc j'ai supprimé et gardé ces bribes de réflexion pour un prochain post. Je m'y mets à la rentrée. Je pense aussi que c'est important (mais désagréable :) ).
A
Très bel article qui donne à réfléchir. <br /> <br /> J'aimerai que tu développes, si tu en as le temps et l'envie, ton regard sur le monde universitaire. Je pense que les jeunes chercheurs ont des choses à dire et pas mal de cocotiers à secouer.<br /> <br /> Pour la grossesse en cours de thèse, ça peut être effectivement très mal vu. J'ai même entendu dire de quelqu'un qui avait eu 3 enfants avant que c'était faire une "thèse pour rien" car elle ne ferait pas carrière...
K
Je crois que tu as raison, avoir le courage de faire sa vie comme on la veut plutôt que de la subir.<br /> <br /> Personnellement, je me suis fait avoir par le système, et depuis je donne moins de moi. Assez pour justifier le salaire qu'on me donne, mais pas assez pour regretter plus tard d'être passée à côté de ma vie.<br /> <br /> Un enfant pendant une thèse, je ne crois pas que ça soit une hérésie en plus. Tu peux bien t'arrêter pendant ton congé maternité et reprendre ensuite ta thèse, non ?
A
(Tiens, pour commencer je pourrais arrêter d'utiliser autant de smileys, un jour je finirai par en mettre dans mes copies d'examen)
A
Quel programme ! J'espère que tu vas y arriver :) Comme le dit Claire dans son commentaire, il faut savoir être égocentrique et se regarder le nombril :)<br /> <br /> J'ai bien essayé de choisir un mot pour 2013, mais il y a tellement de sujets sur lesquels je dois m'améliorer qu'un seul mot est compliqué à trouver :(
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