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Les filles sages vont au paradis, les autres où elles veulent
5 octobre 2012

La mégère écervelée et le fougueux portefeuille

ANL

Le dernier week-end que nous avons passé dans la famille de Spéculoos, j'ai mangé bien plus que mon estomac ne pouvait contenir et j'ai encore une fois été complètement désolée par le couple de mon beau-frère (les - plus si - jeunes mariés).
Spéculoos et moi nous sommes plusieurs fois jetés des regards en coin en grinçant des dents à entendre la façon dont ils se parlent. Durant le repas, s'échangaient des bons mots auxquels chaque convive apportait sa pierre - sauf nous.

Pour lui, passage de l'aspirateur à échanger contre soirée avec les copains pour pas que Mâdâme râle (la râlerie, seconde nature, comme pour toutes les femmes). Pour elle, cadeau d'un sac à main contre disponibilité sexuelle (parce qu'une fois mariés fini la belle vie). Elle, se faire gronder comme une petite fille pour lui rappeler qui commande à la maison (rire gras) au retour d'une soirée un peu arrosée entre amis. Jusqu'au bon mot sur la menace de violence conjugale, n'ayons peur de rien. 

Le tout sur le ton de l'humour piquant et en amusant la galerie... sur deux générations. Car les parents et les grands-parents vivent pareil leur vie de couple. En fait les jeunes ne font que s'insérer dans la tradition. 
Du coup ça fusait pas mal autour de nos têtes, pour nous retomber de temps en temps dessus: 
* à moi: "Le tien non plus, il ne fait pas la vaisselle?" (heu, comment te dire, un jour sur deux, pas moins pas plus?)
* à Spéculoos "Tu sais ce qu'il te reste à faire, offre lui une nouvelle paire de chaussure" - comprendre: en échange de l'un ou l'autre service féminin (oui, éventuellement, Noël approche mais sinon, je n'ai pas l'habitude de monnayer notre vie quotidienne...).

C'est à n'en point douter de l'humour mais ce qui m'effraie, c'est d'entrevoir qu'il s'agit d'un humour au premier degré et qu'il n'est pas uniquement là pour amuser ponctuellement la galerie. Ce qui me dépasse, c'est que certes, il n'y a point de violence conjugale je vous rassure, mais il y a aussi un brin de vérité quand même: c'est bien elle qui fait - l'écervelée et - la vaisselle (bizarrement). Ce qui m'effraie, c'est de ne rien entrevoir d'autre dans leur relation, au contraire. 

Lui est effectivement légèrement limité émotionnellement parlant (bien qu'il s'ouvre petit à petit dernièrement, je vous passe les détails), mais c'est vrai que tant qu'il ne sort pas de son rôle d'homme, ça ne se voit pas (vu que c'est censé ne pas avoir d'émotions, forcément, un homme).
Elle a un réel potentiel pimbêche mais si le mariage sert - comme ils semblent le croire - à transformer les femmes en mégères domestiques, ça passera inaperçu aussi. 

Peut-on passer une vie sans se rencontrer vraiment et à un niveau de relation aussi superficiel, juste parce que c'est pratique (et ancestral)?

C'est comme s'ils s'étaient mariés pour pouvoir faire usage de toutes les blagues vieilles comme le monde sur l'épouse chiante (autrement appelée, avec le temps, "bobonne"), le mari qui lit son journal au moment crucial de la vaisselle et le mariage qui est un piège pour la fière liberté virile de l'homme (mais le jackpot pour la femme). Ou comment s'employer à vivre sa vie avec un cliché plutôt qu'avec une personne.

Ils ont endossé tout un répertoire qui a bel et bien grossi mais par contre peu évolué depuis le début du XXe siècle, si large qu'ils pourraient bien se donner la réplique comme ça pendant plusieurs dizaines d'années encore. 
J'ai du mal à imaginer que ce type de rapport ne pourri pas sur pied, tant il se base sur une image complètement dénigrante de l'autre: lui vit avec une femme un peu con qui brasse de l'air en faisant du bruit, elle vit avec un portefeuille sur pattes porté sur l'autorité pour la forme et à exploiter en continuant à brasser de l'air dans les règles. Ou comment apprendre à se détester au fur et à mesure...

A partir de quel moment le piquant devient-il aigre?

Bref, le regard que je pose sur cette façon d'interagir et le fait qu'elle m'est complètement incompréhensible est sûrement une autre de mes innombrables déformations professionnelles, on va dire ça. Et c'est, j'en conviens, légèrement inapproprié. C'est pour cela que je viens le placer ici, parmi les autres réflexions qui je me fais quand j'observe mon quotidien mais que je me garde bien de communiquer aux intéressés tout simplement parce que ce serait illégitime et intrusif...

 

Illustration

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Commentaires
C
Il est des jours où je me demande à quoi cela a servi que des femmes défendent le féminisme dans les années 70 puisque, dans bien des couples (la majorité ?), les mêmes rôles vivent et survivent. Ce serait à désespérer si des jeunes comme toi ne se posaient pas ces questions. Merci de me permettre de croire encore en une évolution possible.
A
J'ai noté la même phrase qu'Armalite. Elle me plait beaucoup.<br /> <br /> J'ai eu la chance de vivre dans un foyer où il n'y avait pas une telle distribution des rôles. Pour autant, j'ai du engager une lutte sans merci pour retirer de la tête de mon homme quelques sales habitudes. Non, on ne laisse pas ses affaires sales là où on se déshabille, non, tu ne vas pas fondre en faisant la vaisselle et pas la peine de soupirer non plus ... oui, je sais, ta maman faisait ça très bien, mais ce n'est pas parce que j'ai des boobs aussi que j'ai hérité de ce rôle.<br /> <br /> Ses parents ont un rapport compliqué, pas dénué d'amour mais, déséquilibré. C'est elle qui prend tout en charge qu'il le veuille ou non. Pour moi, une telle relation est inenvisageable. Chez mes grands-parents, c'est pareil. Mon grand-père attend que ma grand-mère lui sorte des affaires propres pour s'habiller. Je ne serai pas plus la jolie écervelée que la matrone de service. Ce que nous avons trouvé, c'est un échange, un équilibre, un partage, parfois ça coince mais ça nous ressemble quand même. <br /> <br /> Après, pour ce qui est de "Peut-on passer une vie sans se rencontrer vraiment et à un niveau de relation aussi superficiel, juste parce que c'est pratique (et ancestral)?" Je pense que malheureusement, la réponse est oui. Certain(e)s se contentent de ce lien superficiel mais rassurant. La peur d'être seul y est pour beaucoup, je crois.
L
Je m'attendais presque à une fable de La fontaine en lisant le titre de ton article, j'aime beaucoup ! <br /> <br /> Allant me marier dans quelques mois, j'avoue avoir énormément réfléchi sur le concept du mariage, et sur ce qu'il signifie aujourd'hui. C'est réellement devenu un cliché archaïque auquel les gens semblent pourtant s'adapter sans mot dire. Et ce cliché me fait vraiment peur. Sous prétexte que des voeux ont été échangés, alors une routine malsaine s'installe, mâle contre femelle/machisme vs. féminisme. Peut-être que la signification du mariage n'est plus aussi forte qu'avant dans notre société. Ou bien, l'on réfléchit moins (ou trop ?) qu'avant et on se dit, au pire je divorcerai si c'est pas la bonne personne. Ou bien je suis fleur bleue/vieux jeu et tout est beau et rose ad vitam aeternam quand on se marie (bon je suis pas naïve à ce point, mais quand même...). Bref, ce que tu décris, existe aussi dans ma "famille", et je me suis toujours dit que j'y échapperai. Peut-être est-ce la raison pour laquelle j'ai "choisi" quelqu'un de complètement différent de moi tant par ses intérêts, sa religion, son pays, son mode de vie... mais qui a la même vision que moi de la vie. <br /> <br /> Ou bien, je suis trop à cheval sur des principes , ou bien ... je te laisse car j'ai aucune idée de comment terminer ce commentaire >.<
A
"comment s'employer à vivre sa vie avec un cliché plutôt qu'avec une personne" -> <3
Les filles sages vont au paradis, les autres où elles veulent
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